-La crypte a la capacité de guérir de graves blessures, mais aussi de concerver parfaitement les corps. Explique-t-il ensuite, visiblement mal à l'aise. Et ils méritent d'avoir un vrai enterrement, mais simplement une simple cérémonie faite en secret pour être jeté dans un vulgaire trou. Alors je les ai emmené ici après leur mort, en attendant que cette histoire soit terminée, et qu'ils puissent avoir l'enterrement qu'ils méritent.

-Cela ne te fait rien de voir constamment tes parents, ton frère et ta cousine ici ?

-Au début, cela m'affectait beaucoup... Les voir ainsi me faisait mal... Evidemment... Ils sont ma famille. Avoue-t-il dans un soupir. Mais j'ai fait mon deuil. J'ai juste hâte de pouvoir leur offrir l'enterrement qu'ils méritent d'avoir, afin qu'il est enfin le repos auquel ils ont droit d'avoir après tout ce temps...

-C'est glauque. Marmonne Billie, sans pouvoir quitter les cadavres des yeux.

-Certes, mais jamais Miséria ne permettrait qu'un enterrement soit organisé en leur honneur. Alors, je n'ai pas d'autre choix que de les mettre ici, en attendant. Si je n'avais pas été là pour récupérer le corps d'Espérance après sa mort, Miséria aurait laissé les animaux la dévorer. Sa propre soeur...

-Vivement que cette histoire se termine. Souffle la jeune fille, agacée d'entendre les horreurs que fait subir Miséria sur ce monde.

Puis, elle descend les quelques marches devant elle, pour ensuite s'approcher doucement de la table où repose paisiblement son père...

Une fois à côté de la table blanche, l'adolescente n'ose pas faire un quelconque geste. C'était la première fois qu'elle voyait son père depuis sept ans, d'autant plus que cette fois-ci, elle a parfaitement conscience de qu'il s'agit. Elle le regarde des pieds à la tête le corps sans vie allongé sur la table, les mains ramenées sur son coeur, reconnaissant les vêtements qu'il portait le jour où ils se sont rencontrés.

-Il est mort le jour même où il m'a connu. Souffle-t-elle, la gorge nouée.

-Il y a des chances. Confirme alors Rodney. Il n'a pas eu le temps de trouver une solution pour être avec toi, et te protéger en même temps. S'il avait eu quelques jours de plus.. Peut-être que...

-Peut-être que j'aurais eu un père... Complète la jeune fille dans un soupir triste.

Puis, Billie détaille le visage de son père qui est d'une paleur cadavérique. Il semble paisible, calme, sans aucun tourment, comme s'il dormait d'un sommeil profond. Elle a rapidement constaté que sa blessure mortelle n'est plus là, sans doute soignée grâce à la crypte, mais que ses nombreuses cicatrices sur son visage sont toujours là.

-Il n'a pas du avoir une vie facile... Suppose dans un souffle la fille Stryder/Macy.

-Il n'a cessé de se battre pour protéger les gens. Confirme alors son oncle. Il en a gardé des traces que je n'ai pu soigner à temps...

-Roy... Rodney... Ronald... Murmure Billie. C'est normal que tous vos noms commencent par "Ro" ?

-Une tradition familiale en hommage à Ronan. Lui répond dans un haussement d'épaules Rodney. Les femmes de la famille y ont échappé, va savoir pourquoi. Cela a toujours été comme ça.

Le regard de Billie se dirige ensuite vers le corps d'Espérance, dont les marques de strangulations ont disparu de son cou. Elle semble tout aussi apaisé que son cousin. Quelques mèches blondes encadrent son visage pâle dont seul un léger maquillage rosé apporte un peu de couleur. Elle ressemble à une fleur, à la fois incroyablement magnifique et terriblement fragile.

-Si je suis parvenue à voir Espérance sur Terre... Songe tout haut l'adolescente. C'est parce qu'on est de la même famille ?

-Oui. Confirme son oncle qui s'est adossé contre un mur. C'est le même sang qui coule dans tes veines. C'est pour ça que tu as pu la voir. Si tu veux savoir, elle t'aurait adoré.

-Ah ?

-Oui. Malgré ses airs fragiles, Espérance était une femme forte, qui aimait sa famille. Lorsqu'on était enfant, elle passait beaucoup de temps avec ton père et moi. Lui raconte-t-il, nostalgique. Elle prenait régulièrement de nos nouvelles, lorsque nous sommes devenus adulte. Elle était au courant de la relation qu'entretenait ton père avec ta mère, et elle le soutenait. Et en dépit ce qu'était entrain de devenir sa soeur, elle l'aimait aussi, plus que nous. Elle a beaucoup hésité avant de prendre des dispositions pour contrer les projets de Miséria. Mais son amour pour son peuple a fini par l'emporter...

Puis, la jeune fille regarde un peu plus loin un homme brun dont le visage est marqué par les rides et a concervé les traces de la fatigue. Billie le reconnait sans peine, l'ayant déjà vu dans un souvenir. Il s'agit de Koyen, son grand-père paternel, qui lui a semblé être assez sévère dans les images qu'elle a vu.

-Ton grand-père n'était pas aussi sévère qu'il en avait l'air. Lui assure soudainement Rodney, comme s'il devinait ses pensées. Il a eu beaucoup de difficulté pour intégrer la famille. Les doyens pensaient qu'il n'était pas assez puissant, et qu'il n'avait pas d'assez bon gêne pour la descendance. Mais tout le monde savait que ce n'était qu'un prétexte, ils voyaient mal le fait que ma mère s'unisse à un fils de paysan. Mais il n'a jamais cessé de chercher grâce à leur yeux, pour prouver qu'il méritait d'être au bras d'une membre de la famille royale.

-C'est pour la même raison que mes parents se sont vu en secret ? Interroge alors la jeune fille.

-Non, pas du tout. Lui répond-t-il. Ta mère venait d'une famille assez aisée, tes grands-parents étaient des professeurs et des chercheurs renommés. Les doyens voyaient d'un mauvais oeil que Roy fréquente ta mère pour la simple raison qu'elle était une Prétendante, c'est à dire qu'elle était prédestinée à devenir Gardienne. Un statut qui peut empêcher d'avoir des enfants. Et comme dans la famille, ils étaient obsédés par la descendance à assurer...

-Il avait peur que mon père ne puisse pas avoir d'enfant s'il s'unissait avec ma mère. Comprend alors Billie.

-Exactement. Mais le risque est faible. Précise-t-il dans un haussement d'épaules. De toute façon, elle est tombée enceinte avant, et elle n'a pas pu prendre la relève. Et voilà comment je suis resté Gardien plus longtemps. Ajoute-t-il dans un sourire.

-Tu n'as pas de regret ? Lui demande-t-elle alors. Tu as perdu beaucoup en restant Gardien aussi longtemps...

-Certes, mais je m'y suis fait. Je pensais que Roy allait tenir suffisamment longtemps pour prendre la place de Miséria, et lorsqu'il est mort, il était déjà trop tard pour moi. Soupire-t-il. Je vais mourir jeune, mais j'aurai eu une vie tout de même bien rempli. Quant au fait de n'avoir jamais d'enfant... On va dire que j'ai tellement veillé sur toi que je te considère presque comme ma fille. Avoue-t-il, ce qui fait sourire sa nièce d'amusement.

Durant le silence qui s'installe entre elle et son oncle, Billie regarde ensuite le corps sans vie d'une femme tout aussi marquée par le temps que Koyen, dont le visage est magnifiquement encadré par de long cheveux doré. L'adolescente n'a aucun mal à reconnaitre Héilicya, sa grand-mère.

-Ta grand-mère a toujours su pour tes parents. L'informe son oncle dans un sourire nostalgique. Mais elle s'est bien gardée de le dire à ton père. Je pense qu'elle n'en voyait pas l'intérêt, vu qu'elle les soutenait. Son plus grand bonheur était de nous voir heureux... 

-Elle avait l'air vraiment gentille dans les brefs souvenirs que j'ai vu...

-Elle l'était, elle avait le coeur sur la main. Lui confirme alors Rodney. Elle aurait pu être une grande reine, et elle aurait pu vaincre sans peine Miséria du fait de sa puissance et de son expérience. Mais elle était gravement malade, bien qu'elle essayait de le cacher à tout le monde. Soupire-t-il ensuite. Sa maladie l'a beaucoup affablie, et n'a pas empêché Miséria de la tuer bien qu'elle était déjà condamnée.

-C'est triste... Elle avait l'air d'être quelqu'un extraordinaire...

-C'était le cas. Elle avait une intuition incroyable ! Je crois même qu'elle a voulu favoriser ta conception. Lui dit-il avec amusement, et à la grande surprise de sa nièce. Deux jours avant la rupture entre tes parents, elle voulait que ton père passe une dernière soirée avec ta mère, avant de mettre fin à leur relation. Elle devait se douter que leur offrir une nuit dans un superbe hôtel allait comporter certain risque... Et l'idée ne semblait pas la déranger plus que ça. Elle aurait aimé te connaitre, j'en suis sûr...